Selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), après avoir déjà dégringolé de 25% en 2022, les réservations d’appartements ont encore plongé de 34% depuis le début 2023. La chute a même atteint 52% pour les réservations des particuliers. Parallèlement, au premier trimestre 2023, l’investissement dans l’immobilier résidentiel s’est effondré de 83% sur un an. Enfin, les ventes de maisons neuves (hors lots de maisons vendus par des promoteurs) ont chuté de 31,3% en 2022, selon Pôle Habitat FFB. Autant d’évolutions qui montrent l’ampleur des dégâts dans le secteur du bâtiment au sens large. D’où une question simple mais déterminante : pourquoi tant de “haine” sur le front de l’immobilier français ? Comme nous n’avons cessé de le répéter depuis des mois, un peu seuls contre tous, les raisons de cette crise sont multiples.
Il s’agit tout d’abord d’une correction de la bulle immobilière des dernières années. N’oublions effectivement pas que la flambée passée des prix de l’immobilier était largement exagérée comparativement à la faiblesse de la croissance et des revenus des ménages. Cette déconnection entre les prix immobiliers et la réalité des revenus a été permise, puis alimentée par la baisse artificielle et excessive des taux d’intérêt des crédits, elle-même engendrée par la “planche à billets” tout aussi exagérée de la Banque centrale européenne.
D’où la deuxième raison qui explique la baisse des prix immobiliers au cours des derniers mois, en l’occurrence la remontée logique des taux d’intérêt des obligations d’Etat et de l’ensemble des crédits, qui ne constitue donc qu’un retour à la normale après une trop longue ère de “l’argent magique”. Cette dernière a d’ailleurs déclenché une phase de forte inflation, qui a bien sûr ensuite été alimentée par les tensions sur les prix des matières premières, entraînant la troisième cause principale de la crise immobilière, à savoir la baisse du pouvoir d’achat des Français.

Dans ce cadre, une autre question s’impose : Combien de temps la crise va-t-elle durer ? Dans la mesure où les cinq facteurs que nous venons d’expliciter sont appelés à se prolonger, il est clair que la tempête durera au moins deux ans. Et ce d’autant que les données structurelles de l’immobilier de demain restent baissières
Du côté de l’offre, l’augmentation à venir du chômage va malheureusement fragiliser de plus en plus de ménages, qui sont déjà historiquement endettés. Face au chômage et à la baisse de pouvoir d’achat que cela entraînera, de nombreux ménages risquent de se retrouver en situation de surendettement et par là même contraints de vendre leur logement pour lequel ils se sont souvent endettés plus que de raison.
Parallèlement, la poursuite de la digitalisation et du télétravail (malgré la fin de la pandémie) va de facto réduire l’appétence pour les bureaux et les locaux commerciaux. Or, de nombreux investisseurs et fonds d’investissements immobiliers se sont lourdement endettés pour acquérir ce type de biens, en comptant sur les loyers pour rembourser leurs échéances de crédits. Si les locataires ne sont plus là, ces investisseurs seront alors, eux aussi, contraints de vendre pour rembourser leurs dettes et éponger leurs pertes. Face à la baisse des prix de l’immobilier commercial et de bureaux, ces investisseurs pourraient même être forcés de vendre les biens sur lesquels ils gagnent encore de l’argent, en l’occurrence ceux de l’immobilier d’habitation. Ce qui accroîtra encore l’offre de logements.
Enfin, et plus structurellement, le marché de l’immobilier va devoir également digérer les conséquences du “papy-boom”, en l’occurrence une augmentation du nombre de décès de nos aînés, c’est-à-dire des enfants du “baby-boom”, soit un total d’environ 670.000 décès par an au cours des dix prochaines années, contre une moyenne de 570.000 décès annuels au cours de la précédente décennie. Ces évolutions ne manqueront évidemment pas d’accroître encore l’offre de logements.
Au total, quatre prévisions peuvent être établies pour les prochains trimestres : 1. Les taux d’intérêt et les conditions des crédits immobiliers au sens large vont encore se tendre. 2. Les transactions immobilières vont chuter d’au moins 15% (selon la FNAIM). 3. Les prix de l’immobilier ancien vont encore reculer de 10% à 15% en moyenne sur l’ensemble de la France. 4. Après le dégonflement de la bulle, l’immobilier repartira sur des bases plus saines. Il restera donc l’un des investissements les plus rentables sur le long terme, avec les actions (dividendes compris) et l’or.
Marc Touati, économiste, Président du cabinet ACDEFI, auteur de 8 best sellers économiques, dont RESET II – Bienvenue dans le monde d’après, en tête des ventes des essais économiques sur Amazon depuis sa sortie le 1er septembre 2022.